CRÉON, SES COUTUMES, SON BIENFAITEUR, SA ROSIÈRE ET SON ROSIER

CRÉON, CHARTE DES COUTUMES

Conditions de peuplement, habitations, les nouveaux habitants seront soumis à la réglementation suivante en ce qui concerne leurs demeures. Les emplacements mesureront 22 pieds en largeur et 66 pieds en profondeur ; de plus ils comporteront un enclos (casale) pour leur jardin, d’une superficie approximative d’un sadon. Chaque emplacement de maison sera soumis au paiement  d’un cens annuel de 12 deniers dus au seigneur et d’une esporle de 6 deniers, à mutation de seigneur ; d’un cens annuel de 6 deniers et d’une esporle de 2 deniers pour le sadon ; cens et esporles augmenteront ou diminueront suivant que les surfaces concédées auront été trouvées, après vérification, plus grandes ou plus petites, sans modification du lot. Les maisons en bordure de la place du marché seront d’un type spécial, avec cornières, auvents et fenêtres donnant sur la place ; cens et esporles seront doublées sans plus, pour ces habitations particulières. Le mode d’exploitation des carrières pour la pierre de construction est déterminée. Un délai d’un an est accordé aux habitants pour l’achèvement de leur maison ; les défaillants seront condamnés à une amende de 100 sous tournois. Des sanctions sont prévues en cas de non-paiement des cens et des esporles aux époques déterminées. Des parcelles de bois, de taillis et de terres en friches seront attribuées aux bourgeois. La mesure adoptée est la conche, et le cens annuel sera de 3 sols tournois. Une conche pourra rester en nature de bois.

Régime des biens

Les bourgeois auront toute liberté pour vendre, donner ou léguer à qui ils voudront ; une seule condition est imposée à l’acquéreur, celle de payer à la place du vendeur les cens et esporles prescrits, après investissement par le seigneur roi ou par ses officiers. En cas de décès sans testament et à défaut de ligne directe, les biens du défunt seront attribués au plus proche parent avec mêmes obligations des héritiers à l’égard du seigneur ; s’il n’y a pas d’héritiers, les biens immobiliers reviendront au roi, à défaut d’engagements particuliers du décédé envers d’autres seigneurs ; quant aux biens mobiliers, ils seront tous indistinctement attribués au roi.

Administration

Le territoire de la nouvelle bastide sera limité par celui de la juridiction, telle qu’elle sera précisée plus loin. Il englobe les paroisses de Haux, de Saint Genès de Lombaud, de Baurech, de Cambes, de Sadirac et de Cursan. La bastide de Créon, seigneurie royale, prend donc place entre les seigneuries de l’abbaye de La Sauve Majeure, de Rions et de la vicomté de Benauges. Ladite bastide, ses bourgeois et habitants, auront une commune et les attributs d’une commune, comme les autres villes et bastides du duché de Guienne ; ils auront le sceau de la commune et une ou plusieurs cloches ; ils pourront user de ce sceau commun pour toutes les affaires qui leurs seront communes et l’entière confiance qui s’attache à un sceau authentique leur est accordée. Il est concédé que dans ladite bastide et commune existent 6 jurats élus chaque année par les jurats en exercice ; baile et jurats auront le pouvoir d’administrer et de gouverner ladite ville et son territoire. Le baile, les jurats et la commune pourront faire des règlements appropriés, fixer et répartir des tailles sur ladite ville et sur son territoire pour le bien commun, les percevoir et obliger les récalcitrants à s’en acquitter. Lorsqu’un nouveau sénéchal sera nommé, il devra jurer au nom du roi de respecter les libertés, droits, coutumes et règlements  de la bastide, et les jurats de leur côté jureront fidélité au roi ; les mêmes serments s’échangeront entre le baile et les jurats à chaque changement de baile. Baile et jurats nommeront et pourront révoquer d’un commun accord le crieur public, les gardes champêtres  et les 4 sergents ; ils désigneront  aussi des notaires en nombre suffisant, mais cette désignation sera confirmée par le sénéchal au nom du roi.

Défense et fortifications

Les habitants de Créon seront armés pour la défense de la bastide. Les armes dont ils seront pourvus ne pourront en aucun cas être saisies. Ils sont exemptés su service d’ost pendant dix ans. L’enceinte fortifiée, avec 4 portes et fossés de protection, sera bâtie aux frais du roi.

Justice et police

Dans toute l’étendue de la juridiction s’exercera le pouvoir judiciaire du baile et des jurats ; il y remplacera celui du prévôt de l’Entre-deux- Mers avec droit de haute et basse justice. Le baile reçoit pour le territoire de la bastide les mêmes pouvoirs que le prévôt de l’Entre-deux-Mers dans toute l’étendue de la prévôté. La liberté individuelle est assurée : nul bourgeois ne pourra être cité à comparaître devant une autre cour que celle du baile et des jurats, sauf quand il aura opté pour une autre juridiction, et en cas d’appel. Pas de prison pour dette ou pour tout autre délit non considéré comme un crime. Quand il y aura crime, on observera à l’égard de l’accusé les prescriptions de la coutume de Bordeaux. Pas d’arrestations arbitraires sur simple présomption de culpabilité. La peine de bannissement, quand elle sera prononcée, s’étendra non seulement au territoire de la bastide mais au territoire tout entier de la prévôté de l’Entre-deux-Mers. Prises de gages, amendes en cas de ruptures des scellés, châtiments infligés à l’adultère sont strictement réglementés. Les peines appliquées aux voleurs varient selon l’importance du vol commis et sont très sévères.

Fiscalité, commerce

Le roi se réserve la moitié du produit des amendes. Les bourgeois et habitants de Créon sont exemptés de la coutume de Bordeaux pour les vins récoltés par eux. Dans la bastide de Créon, le marché se tient chaque semaine. Le baile et les jurats fixent les dates des 6 foires annuelles. Les bourgeois peuvent librement y vendre leurs produits animaux ou végétaux, les étrangers sont soumis à des droits de vente strictement définis et réglementés  et la recette est intégralement reversée au seigneur.

1er vidimus selon les lettres patentes d’Amaury de Craon Bordeaux 13 juin 1315

2ème vidimus dressé par la chancellerie royale Westminster 13 mai 1316.

CRÉON, SON BIENFAITEUR, SA ROSIÈRE ET SON ROSIER

Jean-Antoine BERTAL dit Victor naît à Créon le 18 janvier 1817. Il meurt à Nice le 2 janvier 1895. Rentier, il laisse une fortune sous la forme d’une collection d’oeuvres d’art patiemment rassemblée. 

Il offre à Créon, sa ville natale, un ensemble de tableaux, bibelots, meubles pour constituer un musée et quelques centaines de milliers de francs pour reconstruire la mairie, récompenser la jeune fille la plus vertueuse de la cité, trouver un talent caché - un jeune homme capable de devenir un nom connu dans le milieu de la peinture - et pour les nécessiteux de la commune. En outre, désirant être enterré à Créon, il laisse de l’argent pour l’achat d’un terrain à perpétuité, le transfert de son cercueil de Nice à Créon, la construction d’un monument funéraire et des messes. Du fait de son ancienneté, la mairie (qui est le bâtiment de l’ancienne Prévôté) ne pouvant supporter un nouvel étage, doit être reconstruite. En effet, la mairie doit comprendre un étage pour le musée. Le 2 septembre 1907, Créon couronne sa première Rosière et inaugure la nouvelle mairie. Le musée ouvre au public le 21 février 1909. Dans les années 20, le legs tombe dans l’oubli et le musée n’attire plus grand monde. Aujourd’hui, les œuvres restantes sont en dépôt au musée de Libourne dans le cadre d’une convention de partenariat culturel liant les deux villes bastides. Quelques bibelots sont exposés dans une vitrine au premier étage de la mairie.

La Rosière

Selon le souhait d’Antoine-Victor BERTAL, le conseil municipal, après délibération, doit tous les ans proclamer "Rosière" "la plus digne", "la plus sage" des demoiselles de Créon. Le 2 juin 1907, Suzanne Salvet devient la 1èere rosière de Créon ; elle a été désignée à l’unanimité, à huis-clos et à bulletin secret, par le conseil municipal.
Tous les ans, au cours du mois de mai, le conseil municipal se réunit pour désigner la Rosière de l’année.

Le Rosier

Dans son testament, Antoine-Victor BERTAL souhaite encourager parmi les jeunes gens celui qui sera reconnu "le plus intelligent, instruit, d’une conduite irréprochable, ayant l’aptitude pour les arts, le dessin et tout particulièrement pour la peinture". En 1907, il n’y a pas de candidat. Tous les ans, en avril, les garçons ayant entre 12 et 16 ans dans l’année sont invités à venir témoigner de leur goût pour les arts en réalisant un dessin (technique à leur libre choix). Le conseil municipal désigne le gagnant.

Les fêtes de la Rosière et du Rosier

Les élus sont depuis longtemps préoccupés par les difficultés à faire vivre la tradition de la Rosière et du Rosier. La commune a commandé une étude ethnographique qui a permis de remettre ce legs du passé dans une perspective plus contemporaine. Des entretiens, des études documentaires, des groupes de travail ont permis de moderniser la tradition, d’en mesurer l’intérêt actuel et de proposer des pistes de renouvellement. À cette occasion s’est constituée une nouvelle association, Roses’Hier et Demain qui organise désormais les fêtes de la Rosière, avec le soutien de la municipalité.

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